Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/32

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personne de La Fontaine. Walckenaer a publié un livre exact, ramassé partout où il y avait un renseignement à prendre, et dans lequel il a répété, en digne érudit, c’est-à-dire en cultivateur exclusif de la faculté de la mémoire, toutes les formules de l’admiration classique sur La Fontaine, sans une phrase nouvelle ni un aperçu nouveau. C’est très consciencieux, son travail… On peut dire qu’il ne tomberait pas un bouton de la culotte de La Fontaine, que Walckenaer ne se fit un devoir de le ramasser. Mais à part cette conscience du menu, à part les petits commérages de la biographie, il n’y a, sur le génie de La Fontaine, qui est l’important d’un pareil livre, rien de vu, rien de pénétré. Il fallait être un autre homme qu’un gazon d’Institut tel que le futWalckenaer, pour comprendre l’organisation de La Fontaine et pour expliquer sa poésie. Il fallait avoir l’instinct profond des choses poétiques, vibrer en accord parfait avec elles et surtout n’être pas enterré sous ce gazon qui fleurissait l’estimable crâne de Walckenaer comme une tombe, et M. Taine a été, un jour, cet homme-là !

Or, ce n’est pas du tout un érudit de vocation naturelle et d’absence d’idées comme le vieux Walckenaer, que M. Taine. Il est devenu un érudit de volonté, mais quand il écrivait son livre intitulé : La Fontaine et ses Fables, qui fut, je crois, sa Thèse pour le Doctorat, et qu’il a reprise et parachevée (1875), il débutait dans les lettres et il avait alors la fraîcheur et la vie d’un