Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/322

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souffrir d’un jugement qui le rapproche, même pour le diminuer, du grand poète qu’il admire le plus. Venu après de Musset et le grand Lamartine, traités si haut la main de négligés et d’incorrects par les brosseurs de rimes de ce temps, M. Paul Bourget, — que Théophile Gautier aurait cru rabaisser en le traitant d’éloquent et de passionné ; car il avait, Gautier, sur les éloquents et les passionnés, l’opinion que les citrouilles gelées pourraient avoir sur les boulets rouges et la poudre à canon, — M. Paul Bourget n’en restera pas moins Byronien de religion poétique, il ne changera pas l’âme qu’il a et ne se laissera pas étouffer dans d’ineptes systèmes et des poétiques de perdition. Ce Byronien, tombé comme la foudre en plein réalisme, est presque Byronien deux fois. Il a, chose singulière ! d’autres rapports avec son poète que ceux qui viennent de l’analogie des natures et des manières de sentir. Débutant à peu près au moment de la vie où lord Byron publiait ses Heures de Loisir, il avait cet avantage sur le Byron des Heures de Loisir d’avoir déjà passé par les impressions que lord Byron ne connut qu’après Childe Harold. M. Paul Bourget revenait d’Italie et de Grèce ; plusieurs de ses poésies, et quelques-unes des plus belles, sont datées de Venise, de Florence, de Corfou. Ce que vit Byron jeune, il l’a vu plus jeune encore. Quelque chose de laissé par les cheveux bouclés de Byron dans les vents de la mer Ëgée a peut-être passé