Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/334

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ressuscité, disent ses amis, le ressuscitera-t-il par la longueur du temps qu’il mettra à s’attendre ? car Baudelaire, pendant toute sa jeunesse, traîna un livre de génie à travers d’imbécilles éditeurs qui n’en voulaient pas, et qui maintenant l’impriment à genoux ! Baudelaire ressuscita, lui, Edgar Poe ; caria poésie de ces deux poètes, dont l’un traduisit l’autre, n’est pas, comme on pourrait le croire, une imitation réussie, mais, dans leur double inspiration, c’est la plus puissante identité. Phénomène poétique sans exemple ! Ne faire qu’un étant deux, à distance, dans la vie d’un siècle, par le fait unique d’organisations étonnamment semblables et d’un accord parfait dans les impressions véritablement extraordinaire, constitue l’originalité collective et particulière à la fois de ces deux Ménechmes de génie, Edgar Poë et Charles Baudelaire. Maurice Rollinats’ajoutera-t-il à eux pour une Trinité future, comme la troisième personne de cette Trinité dont le règne n’est pas venu encore ? — la seule ressemblance, par parenthèse, je le crains bien ! qu’elle aura jamais, celle-là, avec le Saint-Esprit.

Bien avant, en effet, que Maurice Rollinatse débattit dans cette pénombre d’obscurité dont un poète encore plus fier que lui ne serait pas pressé de sortir et qu’il épaissirait autour de lui comme un mystère, plus beau que l’indiscrétion de la gloire, c’était Baudelaire et Edgar Poë qui partageaient à eux seuls l’empire de l’imagination de ces derniers temps. Ils pouvaient la