Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/35

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de son puissant et ineffaçable cachet l’esprit gaulois, a atteint les plus forts et les plus grands génies de notre langue, La Fontaine est celui qui y a résisté davantage. Chez lui, le Gaulois primait tout. Ce qu’il prenait à l’Antiquité, — car il lui a pris souvent des inspirations, il le faisait gaulois en le touchant. Rappelez-vous, seulement, dans ce chef-d’œuvre de l’Amour mouillé, comme il a gauloisé adorablement Anacréon, mettant par-dessus le génie grec le génie si différent de sa propre race ! Il fut plus gaulois que Rabelais, ce Rabelais dont il se vantait de descendre ; — Rabelais lui-même, mais épuré, et qui eut trois touches à son clavier que Rabelais, son aïeul, n’avait pas : la grâce, la rêverie, la tendresse… M. Taine a parfaitement vu et indiqué cela. Il n’y a rien à reprendre dans les investigations étendues, délicates et subtiles qu’il creuse en ce phénomème poétique qui se nomme La Fontaine, ni dans sa conception de la poésie en général et de la poésie de La Fontaine en particulier. Tout est là de ce qui est important, nécessaire, digne d’être expliqué. Seulement, M. Taine, en rendant justice aux nombreux et immenses mérites du poète dans La Fontaine, n’aurait-il pas dû insister davantage sur la qualité prédominante du génie qu’on pourrait appeler non-pareil, comme la non-pareille des Florides, et qui le fait unique dans la littérature française, — et, que dis-je ? dans toutes les littératures ! Cette qualité première, , c’est la bonhomie. Ce n’est