Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/367

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une beauté de douleur calme, de beauté de Niobé devenue marbre, aux compositions de sa vieillesse, et a son livre, que d’aucuns disent déjà un peu sec, son originalité, son pathétique et sa grandeur.

Il est arrivé au talent d’Alfred de Vigny ce qui arrive à certains visages, qui s’idéalisent en maigrissant. Il n’a pas dans ses poèmes posthumes — je le sais aussi bien que ceux qui le crient sur les toits — la plénitude, la fraîcheur et le rayon des poésies de sa jeunesse, mais il s’y trouve une profondeur d’impression, une âpreté poignante dont l’efFetine prend souverainement le cœur et me le déchire. Quand je lis cette superbe pièce léonine dela Colère de Samson, — le type le plus majestueux dans sa tristesse du fatalisme du poète, — de Samson qui sait que Dalila l’a vendu aux Philistins et qui ne s’en laisse pas moins dormir sur ses genoux dans la lassitude de son mépris :

Je suis las. J’ai l’âme si pesante,

Que mon corps gigantesque et ma tète puissante

Qui soutiennent le poids dos colonnes d’airain

Ne la peuvent porter avec tout son chagrin !

quand je lis : les Destinées, la Mort duLoup, dont les détails sont d’une réalité de description incomparable :

Qui, sans daigner savoir comment il a péri,

Refermant sss grands yeux, meurt sans jeter un cri !