Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/37

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Quant à l’Antiquité, sous laquelle nous nous débattons tous, elle ne connut jamais la bonhomie. Homère y touche par son sérieux naïf, mais il n’y entre pas. Aristophane, qui avait le diable au corps de la comédie, Aristophane a la gaieté osée, gouailleuse, amèrement et follement bouffonne d’un Rabelais d’Athènes, mais il n’avait pas, il ne pouvait avoir la bonhomie de notre Rabelais, qui, tout épique qu’il fût, se ressentait d’être gaulois. Lucien n’est qu’un Voltaire d’avant le Christianisme, et Platon, c’est le génie grec dans sa calme et majestueuse idéalité. Pour les Latins, ce fut la même chose. Quelle bonhomie pouvait-il y avoir dans ces dictateurs, ces absolus, ces hommes terribles ? Vous chercheriez vainement dans tout le monde latin deux figures comme celles de Louis XI, par exemple, — qui eut aussi du terrible quelquefois, — le gaulois et bonhomme Louis XI, et comme celle de Henri IV, ce gaulois mâtiné de gascon. Tous les deux, bien évidemment, pour ceux qui ont le sentiment des analogies, sont de la même race que La Fontaine. Seulement, lui, c’est le Gaulois par excellence, et comme il est, de tous les écrivains, celui qui a le mieux exprimé poétiquement le génie de cette race que l’Histoire a symbolisée sous le nom de Jacques Bonhomme, on lui a taillé, de reconnaissance, son titre littéraire dans ce nom. Mettez telle épithète que vous voudrez à Virgile, à Shakespeare, à Dante, à Corneille, qu’on appelle aussi parfois le bonhomme, à la condition