Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/52

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tout ce qu’il importait d’en connaître dans l’intérêt de sa physionomie ; il n’était nullement besoin d’éclairer davantage le coin de musée dans lequel l’imagination contemple son buste.

Je sais bien, il est vrai, que pour M. Gabriel de Chénier la question de la notice est bien moins une affaire de poésie et de littérature qu’une affaire de haute moralité. Justement, les faiseurs et les poursuivants de biographie, tous ces gens qui veulent attacher des notices aux talons des poètes, ces rêveurs qui nous font rêver et qui se révèlent par leurs chants, avaient cru reconnaître les femmes que l’ardent élégiaque a aimées dans ses vers, et en avaient écrit les noms. C’est là une impression donnée avec une légèreté coupable, et qui, malheureusement, est dans les mœurs de ce temps-ci, que M. Gabriel de Chénier a voulu effacer. Mais, qui ne le sait ? en pareille matière, une négation, si éloquente qu’elle soit, n’efface rien. Il a voulu effacer aussi le mot deRivarol sur André : « Il fut athée avec délices », craignant que ce mot-là, timbré de Rivarol, le graveur sur diamants, ne restât — timbré de l’homme qui l’avait dit ! — sur sa mémoire. Mais, franchement, c’est trop de souci et d’anxiété. André Chénier, sur ce point, se défend luimême. Il n’était pas plus un athée que Rivarol, qui l’était peut-être plus que lui. Seulement, de faits prouvant absolument qu’il ne l’était pas, il n’y en a pas d’autres que les sentiments exprimés dans ses