Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/83

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dans les mêmes termes, bien des années plus tard, des choses écrites dans les mêmes termes qu’autrefois. Étonnante fidélité de sensation pour des Français, qui ont si longtemps passé pour de beaux infidèles ! Assurément, je ne suspectais pas la loyauté de cette sensation obstinée. Je la crus vraie. Mais je me demandais avec anxiété si nous l’aurions longtemps encore, si nous aurions l’infatigabilité de l’émotion et de l’admiration à la troisième, ou à la quatrième, ou à la cinquième fois que Victor Hugo nous apporterait son stock d’épopées. Car il était dans la nature de son talent de nous en donner beaucoup, de nous en donner indéfiniment ; la qualité de Victor Hugo étant, et je ne veux pas la diminuer, d’être un puits artésien de poésie, — un puits artésien intarissable, mais intarissable de la même eau.

II

Et, cependant, s’il y avait un sujet qui exigeait et qui pût donner de la variété à un poète et féconder son inspiration, c’est à coup sûr une épopée ou une suite d’épopées qui se fût appelée la Légende des Siècles. Le poète, ici, n’était pas même tenu à l’unité, de rigueur partout. Il n’était pas une intelligence unitaire,