Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/89

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drôle notion (de l’équilibre ! ), quand il nous dit dans un vers… impayable, du reste, et joyeusement échappé à la gravité de son talent :

Car l’équilibre, C’est Le Bas Aimant Le Haut !

Il parait que le bas n’aime pas le haut, dans Victor Hugo. Je m’en étais toujours douté…

Dans un autre vers, moins ridicule que celui que je viens de citer, Victor Hugo a dit un mot qu’on pourrait graver sur son cimier de poète sans équilibre, parce qu’il le timbrerait très bien :

Le prodige et le moDstre ont les mêmes racines.

Oui ! peut-être… mais il ne faut pas que leurs tiges et leurs rameaux soient entrelacés ; car la monstruosité ne cessant pas, le prodige n’éclorrait jamais, et la proportion, qui l’accomplit, en le rythmant, serait interdite au chef-d’œuvre. Hélas ! il faut le reconnaître, elle est souvent interdite à la poésie de Victor Hugo. C’est un disproportionné s’il en fut oncques. Il a l’ossature gigantesque, mais les mouvements d’un géant sont le plus souvent maladroits, disgracieux, heurtés ; ils cassent, trouent et enfoncent tout, même eux-mêmes. Personne plus que Hugo ne se cogne aux mots. Quand il est poète, car il l’est fréquemment (qui le nie ? ), il l’est comme le Titan est encore Titan sous sa montagne. On sent qu’il est Titan à la manière dont