Page:Barbey d’Aurevilly - Les Ridicules du temps, 1883, 3e éd.djvu/28

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Figure laide, canal encore plus laid ! Tous les avan- tages ! Et quand je dis « canal », je devrais dire « canaux », car nous en avons deux qui s’entrecroisent et coulent partout, nous renvoyant, pour nous rendre heureux, nos infortunées figures... C’est la Photographie et la Biographie ! Photographie ! Biographie ! deux inventions à mettre en attelage. Filles siamoises de la même vanité ! choses du temps ! signe du temps ! cocasseries du temps que je veux incruster dans son médaillier de ridi- cules ! Ah ! les ridicules ont cela de bon qu’ils sont plus variés que les vices. On en finit avec les vices ; avec les ridicules, jamais ! Le vice est monotone. Le vice a l’uniformité du péché, qui est toujours le même, depuis Ève la blonde jusqu’à la cocotte la plus rouge de nos jours ! Mais le ridicule, non !

« Je suis un jeune dieu, toujours beau, toujours frais ! »

A chaque siècle, il en sort toujours de nouveaux, comme il sortait des poux de l’inépuisable veine de Sylla! Pour une nation, il n’y a qu’une manière d’être Sodome, d’être la Grèce menteuse ou esclave, Rome oppressive ou corrompue; mais il y a cent manières d’être ridicules, — l’une après l’autre ou toutes à la fois ! Le kaléidoscope de la Comédie dans lequel tournent les ridicules, est