Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/155

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par l’intimité des sentiments, par la vertu ou par le vice. Sur ce point, la langue est bien faite. Tous les héros de roman sont des héros, soit dans le mal, soit dans le bien, et ils doivent l’être… C’est de poétique éternelle, quel que soit leur costume ou leur destinée, depuis César Birotteau, le parfumeur, jusqu’au duc de Nemours de La Princesse de Clèves, depuis Vautrin, le voleur, jusqu’à Julien Sorel, l’ambitieux et l’hypocrite, comme le cardinal de Retz à dix-huit ans. Il y a une géométrie dans les choses littéraires comme en mathématiques, et la rapidité et la force de l’intérêt s’y calculent aussi par le carré des distances…. Eh bien ! c’est cette géométrie qu’a méconnue M. Feydeau ; c’est ce carré des distances que je ne trouve pas dans son livre. Tous ses héros ne sont pas des héros ; ils sont de taille de foule, et ils vivent coude à coude avec ce qu’il y a de plus commun dans l’humanité.

L’héroïne est une jeune fille flamande que l’auteur a faite vulgaire à dessein, croyant, par là, énorme erreur ! la faire plus réelle, ne lui donnant que la beauté physique, des trois beautés humaines la moins admirable, et encore, dans la beauté physique, la moins grande, la beauté charnelle et rosé des femmes de Rubens. C’est une Clarisse sans fierté, sans esprit et sans résistance, une Clarisse de premier mot, qui ne discute pas avec Lovelace, mais qui saute le mur de son couvent tout de suite, et se laisse tomber, pouf ! dans les bras de l’homme qui l’a séduite, avec la pesanteur engourdie de toute cette chair flamande et de tout ce sang qui lui gonfle les veines et qui lui porte, sans doute, au cerveau. Quant au Lovelace