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Féval, s’il la développait dans des sujets de cœur, un romancier d’un comique amer, de la plus poignante originalité.


IV


Telles sont les qualités de M. Féval. J’ai essayé d’indiquer ce qu’il est, en réservant ce qu’il pourrait être. En mon âme et conscience, je le crois, de nature, un romancier qui pourrait être grand, mais un romancier qui s’est compromis dans un genre, non pas faux (entendez-moi bien !), mais inférieur et très-indigne d’un grand artiste qui se sent… Si M. Féval doutait encore de la vérité de tout ce que nous lui avons dit sur cette espèce de roman, auquel nous désirerions l’arracher, nous la lui prouverions par lui-même…

La réputation de M. Féval, cette réputation qui n’est pas seulement la popularité du feuilleton, est-elle en proportion avec ses efforts et ses travaux ? Il se plaint, je le sais, et il a droit de se plaindre du mutisme de la Critique à son égard, lui, qui depuis vingt-cinq ans fait jet continu de production ! La Critique s’est détournée de lui et de ses œuvres, cette même Critique qui s’arrête, s’assied, et examine longtemps un simple volume, s’il s’appelle, par exemple, Madame Bovary… Et comment ne se détournerait-elle pas ?… Il est dans le destin des romans d’aventure d’être vite oubliés. Tout roman d’aventure est un labyrinthe. Il a l’intérêt d’un labyrinthe, lequel n’existe plus une fois que l’on en est sorti. Jusqu’à l’impression du chemin qu’on a fait et des endroits par où l’on a passé, tout s’efface.