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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/210

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c’avait été autre chose. Ils n’étaient plus cela. Ils avaient grandi de la grandeur de leur sujet.

En gravissant les degrés de l’échafaud de la reine, ils étaient montés à l’histoire, et nous espérions qu’ils y resteraient, — dans l’histoire. Nous nous disions qu’ils étaient sortis du dix-huitième siècle par cette grande porte sanglante et qu’ils n’y rentreraient pas par la porte basse de quelque petite maison pour chercher le mouchoir oublié de quelque comédienne du temps, avec ces mains qui s’étaient purifiées en touchant pieusement les reliques de la reine de France.

Eh bien ! nous nous étions trompé. Ces Messieurs, les seuls fidèles que le dix-huitième siècle ait produits, sont revenus à leur dix-huitième siècle. Le dix-huitième siècle les ferait-il donc ce qu’ils sont, puisqu’ils ne peuvent s’en détacher ? Ils ont publié leurs Saint-Aubins et leurs Portraits intimes. Ils préparent un Watteau.

Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt. Nous avions caractérisé leurs œuvres avec une sévérité qui nous avait trop coûté pour vouloir peser sur notre premier jugement. Et d’ailleurs, à quoi bon ? La Critique n’a de sens que quand elle peut modifier ceux qu’elle conseille. Autrement, ce n’est plus qu’une exécution, et on n’exécute pas deux fois les condamnés, même