Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un livre bien autrement construit que celui qu’il nous a donné.

Du reste, en restant dans la comparaison que la Critique qui tient à s’entendre avec elle-même ne peut accepter, si nous n’avons pas le fil du collier, avons-nous du moins les perles ? Eh bien ! pour mon compte, je ne le crois pas. Excepté deux histoires, parmi ces histoires, et surtout une, qui me paraît un vrai chef-d’œuvre, dû à mieux et à plus que du talent, c’est-à-dire à des circonstances d’esprit très-particulières et sur lesquelles je vais revenir, il n’y a rien dans ces Amours d’Italie qui puisse classer grandement leur auteur. C’est du détritus littéraire tel qu’il en tombe depuis trente ans de cette littérature qui s’écaille comme un vieux tableau, et dont il ne restera pas dans vingt ans un atome que le vent ait la peine d’enlever. Tout sera parti ! L’Oubli a le dos bon. Il emporte aussi bien les choses lourdes que les choses légères, et M. Didier est un lourd qui ne donnera pas à cet Oubli plus de mal qu’un autre pour l’emporter. C’est un esprit de bon sens, mais de gros sens ; de main rude, de force réelle, mais commune, qui a du tempérament et quelquefois de la chaleur, mais sans aucune délicatesse, sans aucune nuance et sans aucune imagination dans le style, ce Boccace à revers… Ah ! Boccace, l’autre Boccace, c’est-à-dire le vrai, est, lui, l’imagination la plus italienne qui ait jamais existé parmi les plus fines imaginations d’Italie, ces rosés de l’Arno ! Fleur intarissable de fraîcheur et de parfum, dont La Fontaine fut l’abeille, Boccace est une imagination d’une telle légèreté, dans le sens de l’air et de la lumière, que La Fontaine, son imitateur,