Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une femme forte, contenue, résolue, raisonnable, dans laquelle on ne reconnaît guère le gamin des Lettres d’un voyageur, qui se nommait voyou si joliment lui-même autrefois ! Cette Thérèse d’Elle et Lui qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, Mme de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur et par pitié devient la maîtresse de Laurent. « J’ai été coupable envers toi (lui dit-elle), et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même. » Et en voilà du raisonnement ! Comme vous le voyez, c’est toujours Rousseau, dont Mme Sand est une des filles… trouvées. C’est toujours la morale de tous ses livres à elle et de ceux de son père, qui dit « toi et moi », comme s’il n’y avait dans le monde que des amants et des maîtresses, et que l’amour supprimât du même coup la société et Dieu ! C’est toujours enfin cet amour maternel, — sans sacrement, bien entendu, — qui ressemble monstrueusement à l’inceste, puisque celle qui l’éprouve ne l’éprouve que pour devenir la maîtresse de celui qu’elle ose appeler son enfant !

Tout cela, vous le reconnaissez ! Tout cela est horrible et infect, d’un travail pourrissant sur les esprits et sur les âmes, et c’est contre cela que la Critique a le droit d’élever la voix, encore plus que contre les détails plus ou moins inventés d’une liaison qui, comme toutes les liaisons coupables, aboutit, sans nul doute, pour l’un des deux amants, à des crimes de cœur ! Dans le roman de Mme Sand, le criminel de cœur, l’infâme et le fou, c’est l’amant. Mais