Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/297

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clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures.

Telle pourtant a été, une fois, la faute de Balzac ; de Balzac, le plus physiologiste des romanciers ! Celui de tous qui a le plus réussi dans cette découverte moderne, la physiologie appliquée aux choses de l’âme, que, très-grand spiritualiste, il a aussi et à degré égal ! Or, si Balzac a pu se tromper un jour dans la mesure qu’il faut faire à la physiologie dans le roman, dans la discrétion d’artiste consommé qu’il faut avoir quand on touche à des phénomènes qui peuvent emporter ou défigurer votre œuvre, comme ces poisons et ces phosphores contre lesquels les chimistes mettent des masques de verre et qui pourraient, en s’éclatant, leur emporter le cerveau ! si Balzac enfin a échoué, mais échoué avec prestige, — comme l’homme qu’il était pouvait échouer, — que ne doit-il pas arriver aux romanciers moins opulemment doués que lui ?… Beaucoup d’entre eux, en proie aux préoccupations d’un temps auquel ne résiste pas leur faiblesse, se sont servis dans leurs livres de cette ressource d’un merveilleux si aisé maintenant, le somnambulisme.

Le premier d’entre eux tous, à coup sûr, M. Paul Féval, n’a pas été plus heureux que les autres. Dans sa Madame Gil Blas, où j’ai noté pourtant une scène très-belle, d’un tragique très-nouveau, inspirée par la physiologie (c’est un duel, horrible d’acharnement et de longueur,