Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/299

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pas plus loin dans l’impression de ses lecteurs qu’un conte d’Hoffmann ou d’Edgar Poë, et même il n’ira pas si loin, car il n’a pas le sens halluciné, visionnaire, dansant entre le jour et l’ombre, des vrais fantastiques. C’est un esprit positif, qui a même la raillerie des esprits positifs, et qui, ne pouvant la mettre dans cette effroyable histoire de La Dame au manteau rouge, qu’il faudrait appeler La Buveuse de sang, l’embusque dans le titre des chapitres de cette histoire, et très-maladroitement, selon moi. Je n’aime point ces titres gouailleurs. Ils me font douter de l’originalité sincère du livre de M. Armand Pommier. Or, ce qu’il me faut avant tout, ce sont des livres sincères.

Qu’on soit tenté par ce qui est la grande tentation des romanciers de ce temps, la nécessité de faire entrer l’élément physiologique dans le roman, et qu’on succombe parce qu’on l’y a mis à doses trop larges et mal gouvernées, c’est un malheur, sans doute, quant au résultat ; une autre fois, on trouvera peut-être le point juste qui fera le succès.

Mais si, au lieu d’être une étude, une tentative consciencieuse d’art, le livre n’est plus qu’un parti pris, une mystification, une hypocrisie dans la redite de cette vieille histoire du Vampire, qu’on déguise en femme pour qu’on ne le reconnaisse pas et parce qu’on sait l’empire des femmes ! alors la Critique, qui a commencé par poser un cas littéraire, s’interrompt, ne voulant pas être plus dupe que le simple lecteur, et dit à l’oripeau couleur de sang :

— Passe donc ! je te reconnais, vieux masque !

Et à l’auteur, qui vaut mieux que son livre :

— Repassez avec un livre vrai !