Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/322

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Or bien, si vous voulez savoir, — car la vie ne se discute point, — combien il est aisé de reconnaître la présence ou l’absence de la vie, dans un livre où magnifiquement elle abonde et dans un livre où elle n’est pas, comparez seulement l’œuvre de Balzac à l’œuvre de M. Théophile Gautier !

Comparez seulement les vivants, si violemment vivants et vrais, des Contes drôlatiques, aux pâles et exsangues momies habillées du Capitaine Fracasse, lesquelles font l’amour du même air, du même ton, avec la même phrase qu’elles se plaisantent ou qu’elles se battent, le long de ce fatigant roman, sans que l’auteur lui-même se départe un moment de l’emphase suspecte de son récit, dans laquelle le plaisant et le sérieux se confondent au point qu’on ne sait plus si l’auteur est réellement un romancier sincère, qui croit à ses héros et qui les aime, ou un humouriste en pointe d’ironie, qui se moque également de ses personnages et de son lecteur !


III

Car voilà encore une troisième sensation désagréable que vous cause l’œuvre hybride et indécise de M. Théophile Gautier ! Quelle est la signification de son livre ? Quel est le sens esthétique ou moral, mais quelconque, de ce livre sans caractère tranché, fait de miettes et de petits souvenirs rapprochés, qui ne sait être nettement ni un roman d’idée, comme Don Quichotte, ni un roman de cœur, comme La Princesse de