Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/324

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c’est ce que j’ai fait, moi, avec toute la conscience dont je suis capable, et, en fait d’aventures et d’événements créés par une imagination souveraine, voici exactement ce que j’ai trouvé : Écoutez :

Le baron de Sigognac est le dernier descendant mâle de l’antique famille de ce nom, tombée du haut d’une splendeur historique dont les rayons remontaient aux croisades, dans une de ces ruines si profondes, qu’on peut les nommer une splendide pauvreté. Ce dernier des Sigognac vit, au fond des Landes, dans un vieux château délabré que l’auteur appelle le Château de la Misère, et qui par cela seul qu’il est une description physique faite avec cet acharnement de détails très-approprié au talent de M. Gautier, se trouve être le morceau capital et le meilleur de son roman. Il vit donc là comme un certain Edgar Ravenswood, que nous connaissons, vivait dans sa tour en Écosse, en compagnie d’un vieux domestique que M. Gautier appelle tout bêtement Pierre, et qui n’est qu’un Caleb aplati.

Un soir, une troupe de comédiens embourbée à quelques pas des quatre tourelles de Sigognac, vient frapper à l’huis de ce château délabré pour demander l’hospitalité à la faim et à la soif qui l’habitent. Heureusement qu’ils ont des provisions, ces comédiens, car ils ne souperaient pas chez le baron de Sigognac, qui vient de finir son dernier morceau de pain quand ils arrivent ; seulement, après avoir soupe de leurs propres victuailles, ils couchent sous ce toit presque croulé qu’ils préfèrent encore, contre les rigueurs du temps, à leur carriole ouverte aux vents et à la pluie. Étonnés et touchés de l’épouvantable et idéal dénûment