Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/334

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fidèles peut-être parce qu’ils étaient ignorants. Je ne discuterai pas la question, pour ne pas être impertinent envers mon époque et ses lumières… On vivait alors sur les vieux reliefs de la société féodale, et il ne faut pas trop prendre au sérieux les valets de la comédie. La comédie, qui repose bien plus sur des conventions qu’on ne le croit, ne dit pas un mot de vrai avec ses valets et ses soubrettes, vieux types usés et recrépis par le génie de Molière, que les faiseurs de pièces de cette époque se sont passés de la main à la main.

Il fallait les révolutions et les progrès dont nous sommes témoins, et toutes sortes d’émancipations philanthropiques, pour que nous eussions le précieux avantage d’avoir chez nous des moralistes à nos gages et des observateurs passionnés, capables d’écrire, sur le papier pris dans nos tiroirs, leurs observations, en belle écriture américaine, avec plus ou moins d’orthographe. En fait de femmes de chambre qui pussent écrire des Mémoires, il n’y avait autrefois que des caméristes de haut parage, des femmes de chambre de maisons royales et des suivantes de princesses. Mme de Motteville, qui était à la bonne reine Anne, nous a laissé les siens. Mlle de Launay, qui était à Mme la duchesse du Maine, nous a légué un chef-d’œuvre de grâce modeste et résignée, le livre peut-être le plus naturel qui ait jamais été écrit. Enfin Mme d’Aulnoy, qui suivit Louise d’Orléans en Espagne, nous a esquissé au crayon noir sur papier rose une vue des mœurs et de la cour de ce pays, qui restera comme une peinture d’histoire, plus sinistre, je crois, que le plus sombre des Goya…