Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/337

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Mais l’auteur des Mémoires d’aujourd’hui n’était ni la femme de son titre, en supposant que ce ne fût pas une femme, ni même l’homme qu’il aurait fallu pour la remplacer. Elle ou lui n’était pas même capable d’une faute d’orthographe, la pauvre femme ou le pauvre homme ! Pas plus de pataquès que de génie. C’était un auteur qui voulait rester un auteur ! Tout le temps que je le lisais, cet auteur : Voilà, me disais-je, une femme de chambre qui parle comme tous les livres à couvertures jaunes que je connais, et Dieu sait, hélas ! si j’en connais ! Aussi n’ai-je été nullement surpris quand, arrivé à la dernière page de ces prétendus et impudents Mémoires, j’ai vu que la vraie femme de chambre, en supposant qu’elle existe, n’avait pas écrit et s’était contentée de donner ses notes à un littérateur, mâle ou femelle, qui en avait fait cette belle pièce de littérature !

Ce n’est que cela, en effet ! une forme qu’on a crue heureuse et qui vraiment l’était, mais à laquelle il fallait, de rigueur, joindre beaucoup de talent seulement pour la remplir, — un titre très-séduisant parce qu’il cachait une idée, — et une idée hardie, — sur laquelle on a malheureusement spéculé. Si ce livre des Mémoires d’une femme de chambre n’étincelait pas, n’éclatait pas de vérité, il n’était plus qu’une platitude, et c’est justement ce qu’il est ! Que ce soit Trissotin ou Bélise, l’être littéraire, auteur de ce livre, qui devrait être écrit par une fille d’action, brave sur le mot, mais qui ne le caresse pas, n’a pas montré que le petit bout de l’oreille. Il a attaché les deux siennes, dans toute leur longueur, au loup de velours noir qu’il a mis sur le visage de sa femme de chambre, pourtraite