Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/351

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C’est un esprit français, mais sans les grâces françaises. Il aime la clarté et la concision, la ligne la plus courte d’un point à un autre ; il a enfin ce que j’appellerais volontiers les facultés militaires de l’esprit, qui ne sont nullement les grandes facultés artistiques ! Or, ce qu’il est par lui-même, il l’est encore lorsqu’il imite, et c’est là son genre de personnalité. Son imitation n’est jamais servile. Que dis-je ? elle est armée. Il imite, mais un sécateur à la main.


III

Telle est donc, en la cherchant bien, — car il faut la chercher, — la personnalité du talent de M. Mérimée. Elle est mince, diront les esprits exigeants. Peut-être, mais elle est. En général, les imitateurs sont dupes de l’admiration qu’ils ont pour leurs modèles, et ils en poussent jusqu’à l’extrême encore plus les défauts que les qualités. M. Mérimée, au contraire, par le fait seul de la nature de son esprit, qui conserve toujours la froideur de l’analyse et le vouloir du procédé, M. Mérimée coupe dans les uns et dans les autres, et arrive, en faisant ainsi, à ces petites compositions qui ont la netteté et le mordant du trait, et qui entrent dans l’esprit comme un canif bien affilé entre dans la chair. Je ne crois pas M. Mérimée capable de remuer les masses d’une grande composition et d’en ériger l’ordonnance, et il ne le croit peut-être pas plus que moi, car il ne l’a jamais tenté. Tout ce qu’il a fait est court, de peu de développement, et d’un récit plus ramassé que rapide.