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Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/353

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phrases (et par des phrases, je n’entends pas de la rhétorique !). Car, après tout, le style, c’est-à-dire la pensée, qui a besoin d’éclater et de se répandre, fait d’autant plus de phrases qu’elle a plus besoin de se répandre et d’éclater !


IV

Ainsi, esprit aride qui promène son aridité sur la planturosité des autres, voila, en un mot, tout M. Mérimée, et encore faut-il cette réserve qu’il ne brûle pas en desséchant. L’auteur de La Double Méprise donne ce démenti à la physiologie. Je ne connais rien de plus froid que lui, même quand il est brutal, sa seule manière d’être chaud. La passion ! il la photographie, mais elle ne lui insinue jamais dans l’imagination cette lumière interne des vrais peintres, plus vraie que l’autre lumière, a travers laquelle ils peignent tout. Esprit exact, ne se préoccupant que de matérielle exactitude, M. Mérimée arrive, sans sourciller, aux résultats quelconques, immoraux ou criminels, de la passion, mais vous en chercheriez en vain dans ses œuvres les cris, les bouillonnements et les larmes. Excepté l’étreinte (qui dure le temps d’une étreinte de Mme de Turgis dans la Chronique de Charles IX), il n’y a, dans les romans de M. Mérimée, que des coups de pistolet et des coups de couteau. Or, ce ne sont pas de tels dénoûments qui intéressent l’esprit, mais ce qui y mène !… Le dénoûment donc, sanglant ou non, d’ailleurs, est trop exclusivement la grande affaire de ce matérialiste qui abrège, de ce conteur