Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/355

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l’art dramatique, composé autrefois de caractères, de passion et d’esprit — le plus que l’on pouvait en mettre, et on n’en mettait jamais assez ! — ne serait plus, à son tour, qu’une petite mécanique plus ou moins ingénieusement construite, une espèce de tourniquet à émotions, qu’on serrerait d’autant plus fort qu’on voudrait en finir plus vite… Seulement, disons-le, si l’art n’est conçu que comme une opération chirurgicale, — non nécessaire, — et que plus tôt c’est terminé, mieux ça vaut, pourquoi commencer ?… Logiquement, cela vous mènerait à écrire en style de télégraphe, — puis, — à ne plus écrire du tout !


V

Comme on le voit, je n’ai voulu, en cette étude, juger M. Mérimée que comme romancier. L’autre Mérimée, l’homme de la double vocation, l’historien et l’antiquaire viendront ailleurs… En ces derniers temps, celui-ci a publié deux livres d’histoire, où la vocation de l’ancien romancier, — indécise comme toute vocation partagée, — se trahit encore dans le choix des sujets qu’il a essayé de traiter. Il est évident, en effet, que l’imagination de l’auteur de Carmen et de la Chronique de Charles IX se reconnaît, quoique affaiblie, dans les sujets qui l’ont attiré, et qui sont, à coup sûr, les sujets les plus romanesques de l’histoire. La vie des Faux Démétrius de Russie, cet imbroglio dramatique, cette mystification pour tout un peuple, cette sanglante et incroyable comédie, deux