Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/375

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pour une chose si intense ! Je ne suis pas de ceux qui pensent que le temps ne fait rien à l’affaire. Vingt-sept jours ! Cette distraction est une autre course ! Seulement, nous souhaitons à M. Lawrence que de telles distractions soient désormais sa vie, et que tout ce qui fut jusque-là sa vie ne soit plus que ses distractions !

Il y a, en effet, ici, révélation d’un talent que l’orgueil sardanapalesque du dandysme ne doit pas laisser sans la culture qui lui convient et sans les développements qui peuvent le conduire jusqu’à la magnifique puissance du chef-d’œuvre. Après avoir lu ce mâle début de M. Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là, — non pas entièrement venu, mais très-apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critique la lui donne. Il faut que la Critique, en lui signalant ses facultés, lui apprenne quels sont ses devoirs. Il a mieux à faire à présent qu’à sauter des barrières ou à se regarder dans ses uniformes, comme Georges Brummell, quand il était dans les hussards.

Une fois qu’il fut bien sûr de son génie, lord Byron ne tira plus que douze coups de pistolet par jour et sut, à un pas près, le nombre de temps de galop qu’il exigeait de son cheval le long de la mer de Venise. Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poëte saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté, mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens