Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/90

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il lui débite toutes les bêtises et toutes les vulgarités dont se compose cette chose facile, dont les hommes devraient être moins fiers : la séduction. A quelques jours de là, madame Bovary devient la maîtresse de M. Rodolphe Boulanger de la Huchette. Ils montent à cheval ensemble, courent les bois et les solitudes, et ce n’est point assez que ces tête-à-tête provoqués par le mari, heureux de voir sa femme en amazone ; madame Bovary va voir son amant en cachette, quand Bovary est en tournée.

L’intimité de l’adultère s’établit et se développe avec toutes ses dépravations, fatigant l’homme rassasié après quelques ivresses, et exaltant la femme davantage. Toujours littéraire, toujours préoccupée des grands modèles, madame Bovary épuise bientôt tout le vestiaire romanesque du dix-neuvième siècle. Elle fume, elle met des gilets d’homme, et finit par vouloir être enlevée et faire son petit voyage d’Italie, tout comme une autre… Malheureusement, ici, le faux héros du roman auquel elle s’est donnée, s’écroule. Il a assez comme cela de cette folle. Il refuse d’empêtrer sa vie dans cet enlèvement d’une femme mariée qui parle d’emporter sa fille avec elle, et il la plante là avec des façons insolemment paternelles et la prudence d’un sage qui défend ses quinze mille livres de rente. Terrassée par la lâcheté de l’homme qu’elle aime, madame Bovary est sur le point de mourir d’une fièvre cérébrale, causée par l’abandon, le chagrin, la déception, la honte. Mais ce premier amour, qui lui fait descendre les premières marches de l’escalier de l’infamie, la jette aux secondes, qui la rouleront sur les dernières.