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PENSÉES DÉTACHÉES

I

César Borgia était un donneur de batailles au poison, comme Bonaparte était un donneur de batailles au canon. On n’a pas assez montré que l’empoisonnement pratiqué du temps de Machiavel était l’économie du meurtre. Dans ce temps-là, on supprimait certains hommes pour n’avoir pas à détruire les peuples en les jetant les uns sur les autres. La personnalité tenait plus de place ; les masses moins. Les batailles avaient lieu en haut, et de prince à prince. Un homme, c’était un obstacle. On le traitait comme tel. Cela s’appelait la politique. Et pour ceux qui aiment l’Humanité, c’était, après tout, plus humain que la guerre. Mais la perfidie de l’empoisonnement ?… dira-t-on. Mais les embuscades ?… — Ne sait-on pas, dans la guerre, de part et d’autre, qu’on doit s’embusquer ? S’il était convenu de tricher au jeu, on ne tricherait plus.