Page:Barbey d’Aurevilly - Poussières.djvu/33

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Et sous tous ces amours qui fleurissent la vie,
Et sous tous les bonheurs qui peuvent l’enivrer,
Nous avons retrouvé toujours cette folie,
À laquelle le cœur n’a rien à comparer !
Et nous avons subi partout l’étrange empire
De ce rêve tenace, — et vague, — mais vainqueur,
Et jusque dans tes bras, Clara, ce doux Vampire,
Est venu s’asseoir sur mon cœur !

Tu ne devinas pas ce que j’avais dans l’âme…
Tu faisais à mon front couronne de ton bras,
Et de ton autre main qui me versait sa flamme
Tu me tâtais ce cœur où, toi, tu n’étais pas !
Tu cherchais à t’y voir, chère fille égarée,
Tu disais : « Tu te tais, mon bien-aimé ; qu’as-tu ?… »
Je n’avais rien, Clara, — mais, ma pauvre adorée,
C’est ce rien-là que j’avais vu !

Il se levait tout droit, ce rien, dans ma pensée.
Ce n’était qu’un fantôme, un visage incertain…
Mais des chers souvenirs de notre âme abusée
Le plus fort, c’est toujours, toujours le plus lointain !