Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/145

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quand on a un métier d'abord, et ensuite nulle force d'âme et nul ensemble. Le comble de ses embarras sera la jalousie, car il n'est pas capable d'une passion. En proie à toutes les terreurs, ses admirations et ses amitiés sont vulgaires. Il ne les défendrait pas devant qui les ravalerait, non par trahison, mais par crainte, moins de ridicule que de la lutte. Il a peur de l'aristocratie, bourgeois qu'il est jusque dans la moelle de ses os.

Aussi fait-il un million de choses, en elles-mêmes assez indifférentes, mais qui révèlent l'attitude habituelle de la pensée, et cette attitude est parcimonieuse, intéressée, sans grandeur. Allez ! Il n'y a pas qu'Harpagon qui souffle une chandelle quand il y en a deux d'allumées. Molière en attribuant cela à son avare a manqué une nuance plus fine. Un homme au sein d'une honnête abondance, nullement avare, bienfaisant même, dépensant honorablement son argent, donnant des fêtes et dilettante en beaux-arts, peut le faire aussi.

Il n'est pas capable de rompre avec l'homme qui le gênera le plus, parce qu'il n'est point assez décidé ; il ne dénouera pas non plus, parce qu'il n'est pas assez habile.

Son esprit est tout en mémoire et ne se hausse qu'aux formules de son métier. Il avait une certaine culture, mais elle s'effacera sous la routine des affaires,