Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/155

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je la voyais beaucoup. Une singulière circonstance m'avait éloigné d'elle quoique je me sentisse à son égard une grande bienveillance à cause d' une ressemblance, soit idéale, soit réelle. La voilà morte ! ... je n'aime pas à voir mourir les jeunes femmes. Pour les hommes, cela m'est fort indifférent.

Bourdonnel est à Paris, ce dont je suis enchanté, et va y passer l'année. Je l'ai retrouvé mieux et même bien de visage, et gentilhomme jusqu'au bout des doigts. Il est de la plus rigoureuse aristocratie, ce que je ne blâme pas en sentiments et en manières, mais en raison, car cela empêche quelquefois de voir le dessous des choses. à présent que Macbeth ne combat plus entouré de ses nobles, et qu'avant de se battre on ne demande plus à un homme s'il est de bonne race ou manant, il faut faire de même avec les difficultés de la vie telle que le temps et les révolutions nous l'ont faite. Je sais qu'on peut dans son orgueil de patricien considérer de haut la mêlée et vivre à l'écart, sur sa tour, mais on n'apprend pas, et avant tout, il faut des connaissances non spéculatives, mais pratiques, à l'homme, pour qu'il ait la valeur qu'il peut avoir.

La marchesa m'a écrit à la fin et je l'ai vue hier.

Elle a pensé mourir d'une affreuse maladie de soixante jours et doit craindre les suites de la convalescence.

à peine si je la reconnus hier, tant elle est changée .