Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/209

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voilà ce qui expliquerait son errante fantaisie, déjà lasse, — elle se débat encore, mais elle est abattue. — malgré quelques vouloirs insensés et le besoin de tendresse, ancré au cœur des femmes, elle est sous la sauvegarde d'un esprit mâle et d'une incorruptible froideur.

Son esprit désire plus que son cœur, noblement flétri par un souvenir douloureux. — quelles qu'aient été ses intimités, nulle ne l'a souillée d'un de ces faits ou d'une de ces paroles qui font rougir la volupté même. Elle ignore l'abîme fangeux des caresses. Cela prouve pour elle que les hommes qui l'ont aimée ne l'aient pas fait descendre jusque-là ; ils n'auront pas osé.

Encore quelques années d'agitation de tête, — misérables, impuissantes agitations qui n'aboutiront qu'à des commencements d'intimité ! Car elle juge les hommes, et comme elle n'a pas d'ivresse physique elle est promptement ennuyée de leur jargon ; — encore quelques années à s'exagérer ce dont elle souffre et ce qu'elle convoite par vide,

et ce sera fini : il ne restera plus de tout cela qu'une femme attachée à ses devoirs par réflexion et par vanité intelligente, solide amie, ce qu'elle est déjà, de relations de famille et de monde parfaites, simple et spirituelle en même temps, regardant du haut de ses désirs de vengeance éteints, froidement et sereinement, les hommes qui l'ont si