Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/291

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t de passion que le mot qui l'exprime et qui ne l'a pas même fait rêver. — ses yeux aussi sont mensonges et pièges. D'un noir profond et sans aucun mélange. Plus longs que larges, chargés, cernés, avec des paupières si noires qu'elles en paraissent humides, assez doux malgré des sourcils comme ceux de Jupiter olympien. — on dirait que l'adultère repose endormi au fond de toute cette nuit, nuageuse et sombre ; et probablement elle vivra sa vie tranquillement, obscurément, sans rien perdre de son innocence, sans rien savoir, sans même rien sentir ! — innocence peu poétique, il est vrai. On vit dans une ville de province, au milieu d'un monde abject, on n'a jamais aimé que son mari (plaisant amour ! Mais on est toujours ce qu'on croit être), les enfants viennent, on ne lit pas, on a été dressée à l'obéissance par sa mère, esprit et caractère manqués, on se localise sans effort dans ces passivités du ménage que l'on appelle un peu vaniteusement des devoirs. Ni le monde qu'on voit, ni le monde qu'on devine par la lecture et les récits qu'on en surprend, ne font naître une comparaison, ne poussent à un retour sur soi-même. Si par hasard cette comparaison avait lieu dans une rêverie, à propos de quelqu'un qui trancherait sur les autres auxquels on est habitué, elle serait bientôt oubliée. Il faut un caractère si profond pour retenir une impression, qu'avec ce vague