Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/142

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Néel ! — fit-elle impénitente et implacable, avec une ironie qui le défiait. — Je m’en vais au château de Néhou. Faudra-t-il que je dise à monsieur votre père avec qui que je vous ai rencontré ?

Le nom de son père atteignit Néel à l’endroit sensible, mais il ne répondit pas. Il emporta le coup et rejoignit les Sombreval.

— Cette femme est à moitié folle, dit-il. Et, en effet, la rage de Julie la Gamase s’était exaltée jusqu’à la folie. En descendant la butte, ils l’entendirent encore qui parlait seule et leur jetait, d’une voix enrouée, des imprécations.

— Non, elle n’est pas folle, — répondit Sombreval, qui semblait l’absoudre, tant cet homme, devenu tout intelligence, admettait tranquillement qu’on le détestât ! Néel, qui comprenait moins que jamais pourquoi Sombreval, indépendant par la fortune, était venu volontairement acheter l’outrage en achetant le Quesnay, crut qu’il allait dire son secret, et il était curieux de l’entendre ; mais l’ancien prêtre se tut. Les âmes fortes dédaignent de parler. Calixte aussi était silencieuse. Néel partageait les tristesses de son silence. Et c’est ainsi que, livrés aux émotions de cette première journée d’une vie à trois, qui commençait sous de si tristes augures, ils arrivèrent bientôt à la grille fermée du château.