Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/152

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Ce fut une longue et douce promenade. La relevée était aussi belle que l’avait été le matin. Le soleil, blanc d’éclat, se teignait de l’or rêveur des après-midi. Nulle vapeur ne s’élevait entre les saules ; nul souffle, dans le calme muet des airs, ne faisait frémir leurs feuilles pâles. La barque verdie s’avançait mollement sur l’eau verte et y traçait un sillon que les fucus et les mousses séculaires, en se rejoignant derrière elle, avaient bientôt effacé.

Calixte, assise à son extrémité, semblait l’ondine de ces eaux engourdies, qui lui communiquaient leur placidité et leur somnolence. Les oiseaux, accablés par la chaleur de la saison et de l’heure, dormaient retirés dans les oseraies des rives. On n’entendait rien sous le ciel vide, pas même l’aviron de Néel, qui coupait silencieusement ces eaux pesantes, couvertes de végétations.

Ils allèrent loin du côté opposé à la route et ils ne s’arrêtèrent qu’à cet endroit du cône où se trouvait un élavare[1] d’où les eaux se précipitaient en nappe sur une pente lisse comme une ardoise, pour de nouveau reprendre, au pied de la pente, leur cours sommeillant et leur longue perspective. Arrivé à cette pente qu’une barque ne pouvait descendre sans danger, Néel

  1. Petite digue qui élève le niveau de l’eau.