Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/159

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base à la route, et ils remontèrent jusque-là.

Il faisait toujours le même calme sur ces eaux torpides, et, dans les fourrés chevelus de leurs deux bords, il régnait toujours le même silence. Seulement, depuis que nos promeneurs s’étaient rapprochés du château, ce silence sans fond du paysage était parfois interrompu par le cri aigu des pivis familiers[1] des jardins du Quesnay, qui vibrait par-dessus les murs ; mais, hors ce cri de deux notes qui leur a fait donner leur nom, on n’entendait rien du côté du château, muet sous ses girouettes immobiles, ni du côté de la route, blanche de sécheresse, qui passait comme un ruban tendu, au bas de l’étang.

Le long de la semaine, c’était une route fréquentée, mais le dimanche, elle était déserte. On n’y voyait ni colporteur, sa mallette au dos, son aune à la main, ni charbonnier sur son petit bidet à sonnettes, ni charretier, ni personne : car on observait le repos du dimanche

  1. Le pi-vi, nommé ainsi, du cri qu’il pousse, par les paysans de Normandie, et qui est le Pivert pour tout le monde, est un charmant oiseau vert-bouteille, fin comme une perdrix, et qu’on lâche l’aile coupée dans les jardins du Cotentin, où il vit très bien et dont il est l’ornement. Gracieux prisonnier, aussi doux à voir, trottant d’un pied vif dans l’allée d’un parterre, entre les buis de deux plates-bandes, que les cygnes languissants dans l’orbe azuré des bassins.