Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/161

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C’était notre ancienne connaissance, — cette Malgaigne, — que nous n’avons pas vue, car il faisait nuit, mais que nous avons entendue, et que Sombreval avait rencontrée le soir même de sa première arrivée au Quesnay… C’était la Malgaigne, dont il venait de parler indirectement il n’y avait que quelques instants, et dont l’étang du Quesnay lui avait rappelé — il savait bien pourquoi — les prophéties passées.

Elle était debout sur la route au bord de l’étang ; les deux mains appuyées à ce long bâton d’épine sèche que les paysans passent à la vapeur d’un four pour lui donner un brillant solide et tacheté. En revenant de l’église de Néhou, où elle avait entendu les vêpres et d’où elle était sortie à complies, selon l’usage des gens qui demeurent loin du clocher, elle avait aperçu sur l’étang, ordinairement si désert et si morne, la barque oubliée des Du Quesnay, qui prouvait ce jour-là que la vie était revenue à ce château-cadavre, vide de maîtres pendant si longtemps.

Presque involontairement, elle s’était arrêtée à regarder cette barque qui s’en venait doucement vers elle. Bien des sentiments confus l’agitaient. Elle n’avait pas revu Sombreval depuis le soir où elle l’avait attendu à la Croix des Trois Chemins, et où elle lui avait adressé ces paroles suprêmes qu’il avait mépri-