Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/163

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par les dehors irréprochables de sa vie, forcé l’estime et la confiance à lui revenir, un peu en tremblant, il est vrai, car elle imposait toujours au vulgaire. Il y avait, en effet, dans cette Malgaigne, l’étoffe d’un grand caractère : mais la Destinée, qui ne taille pas toujours les circonstances à la mesure des âmes, n’y avait pas mis ses ciseaux !

Du reste, ce n’était pas seulement son caractère, ses manières et la fermeté de son bon sens dans toutes les choses pratiques de la vie, qui la faisaient respecter des gens du pays : c’était quelque chose de plus encore que ces qualités supérieures, et qui tenait, sans aucun doute, à ces superstitions éternelles qui ne s’en vont de l’homme que quand l’homme n’est plus !

Je vous l’ai dit : dans sa jeunesse la Malgaigne avait passé pour une sorcière, et cette opinion, elle l’avait détruite à la sueur de son front et de ses vertus. Mais, si elle avait renoncé à un genre de vie et de renommée qui la précipitait d’un côté pernicieux et funeste, elle n’avait pu abolir en elle ce genre d’imagination qui la poussait invinciblement vers le merveilleux. C’était plus fort qu’elle et ses efforts, cela ! C’était le fond et la moelle d’une organisation pleine de poésie qui avait crû et s’était développée librement dans la solitude…

Généralement on la disait hantée… C’est