Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/203

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que tu as sur les mains, l’abbé Sombreval ! Oh ! que non. Il y a une justice. Le sommeil tranquille des cimetières n’est pas fait pour toi non plus ! C’est moi qui le dis. Tu es voué à l’errance éternelle. Tu reviendras mort où tu as voulu à toute force revenir vivant. Mais en vain voudras-tu plonger dans ton étang du Quesnay pour éteindre cette soutane de feu que le démon aura collée à tes épaules et que tu ne pourras plus déchirer de tes mains plus coupables que celles de Caïphe, ni rejeter de ton dos comme l’autre apostat ! Les eaux de l’étang deviendront de l’huile bouillante sous les plis de ta robe en flammes ! La vieille Malgaigne ne le verra pas. À cette époque-là elle sera aussi allée rendre ses comptes ; elle sera jugée, mais je le sais, et c’est trop encore… car je t’ai aimé comme mon enfant…

La voix de cette femme, qui semblait de taille biblique au jeune Néel, baissa et s’éteignit comme dans des larmes, — car on n’y voyait plus, et il ne sut pas si elle pleurait. Certes, qu’elle fût folle ou qu’elle fût inspirée, il y avait en elle un charme. Néel, qui cherchait le secret de ce charme à travers les émotions pénétrantes dont elle piquait son âme comme de dards, n’entendit plus que les sons confus d’un monologue qu’elle se tenait à elle-même et dans lequel il distinguait seulement