Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/205

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nier mot qu’elle avait dit. Était-ce une menace, l’annonce de quelque danger prochain, — ou simplement la suite des pensées de cet être qui ne ressemblait pas aux autres et qu’il aurait été difficile à un moraliste de classer ?

« Oui, à la grâce de Dieu ! comme elle l’a dit », répéta-t-il.

Il traversa la petite lande du Hecquet dans le sens inverse à celui qu’il avait suivi avec la Malgaigne. C’était dimanche, aussi ne rencontra-t-il âme vivante ou damnée.

Seulement, quand il fut arrivé au point de la lande où il s’était retourné pour voir le Quesnay, dans le clair-obscur orangé du soir, sous l’index de l’octogénaire, il chercha, ô enfance du cœur ! à discerner le toit qui recouvrait sa bien-aimée, son rêve caressé, sa chimère, mais la nuit était si épaisse qu’il semblait qu’on eût pu couper l’ombre avec un couteau. Dans l’abîme noir de la vallée, on ne voyait rien que l’orbe d’une lucarne en feu, aussi ardente que la gueule d’un four allumé.

— Le feu serait-il au Quesnay ? — Et il descendit en courant la montée, longea l’étang et vint à la grille. Tout était calme dans les cours. Les chiens dormaient. Mais la lucarne du toit brillait toujours de cette clarté rouge et profonde dont un soufflet de forge faisait de temps en temps frissonner et blanchir la lueur.