Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/209

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chemin, comme une blafarde épouvante. Ainsi que l’avait dit Julie la Gamase, les pauvres n’y entraient plus, et la charité de Calixte fut obligée d’aller les chercher jusque dans leur bouge pour faire la violence du bienfait à leur méprisante misère.

Un tel isolement couvrait merveilleusement, du reste, les visites de Néel, ignorées de tout le monde, excepté des Herpin. Ceux-ci, cantonnés dans leur ferme, n’en croyaient pas leurs yeux quand ils le voyaient venir trois et quatre fois par semaine — tantôt plus, tantôt moins — et passer dans le château des heures entières.

Dieu savait alors ce qui trottait dans la cervelle de ces paysans soupçonneux ! « Si la fille au prêtre était une jolie garcette, avec de belles couleurs et de la santé comme vous étiez, Blandine, il y a trente ans, — disait le bonhomme Herpin à sa bonne femme, — Monsieur Néel est un jeune gars qui n’a point froid aux yeux, et il pourrait bien y avoir là-dessous quelque amourette du côté gauche, car, pour le bon motif, serviteur ! Une fille de prêtre n’est bonne qu’à faire une gorre[1], mais elle est si chétive, cette effant, qu’on dirait quasi une étrase[2]. »

  1. Isabeau de Bavière s’appelait la Grand’Gorre.
  2. Chose chétive, — ombre.