Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/229

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pouvait vivre en face de ce marbre sculpté par un homme de génie, et qui suait l’angoisse et l’agonie dans son immobilité éternelle. Sombreval avait acheté pour Calixte au poids de l’or, en Italie, ce Christ qui était le chef-d’œuvre retrouvé en ces derniers temps d’un artiste à manière inconnue, que la Gloire avait oublié !

— Le voilà, Néel ! — fit-elle simplement, — car la piété était en elle infusée à de telles profondeurs qu’elle n’avait plus d’exaltation. L’Esprit-Saint qui planait dans son âme y planait si bien qu’on ne sentait même plus le tremblement de ses ailes ! — Voilà Celui qui m’empêche d’être votre fiancée, parce que je suis la sienne ! Soit que je vive, soit que je meure, je ne serai jamais que l’épouse de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Bien avant de vous connaître, cher Néel, bien avant de devenir votre sœur, j’avais fait serment d’être à lui et j’avais prononcé mes vœux…

— Vos vœux ! — dit Néel, que ce mot atteignit jusqu’aux racines de son être…, là où dort caché le dernier espoir, pour nous faire sa dernière morsure. Hélas ! le petit-fils des anciens chevaliers chrétiens savait ce qu’est le poids d’une parole, et le mot de vœux soulevait dans sa pensée l’idée d’une parole d’honneur, faite à Dieu !

— Oui, Néel, mes vœux ! reprit Calixte puis-