Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/248

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battrait pas un si fin gibier aussi facilement qu’un cygne ou un grèbe. D’ailleurs vous pouvez dormir sur vos deux oreilles. J’interdirai à mon jeune gars toute accointance avec ce vieux drôle de Sombreval, que le pays honore beaucoup trop, en le traitant de vieux diable. Il ne faut pas grandir les coquins. Et Néel est un brave garçon qui m’obéira.

Rassuré ou non, le baron de Lieusaint remonta sur son cheval gris et regagna sa gentilhommière : mais le même soir, — une heure après le départ de son compère, — le vicomte Éphrem apprit que l’amour de son fils n’était pas, comme le disait le vieux baron, une amourette, et que la consigne paternelle allait se briser contre un cœur virilement épris. Néel, qui s’était tu jusque-là, mais qui était incapable de mentir, avoua à son père qu’il aimait Calixte. — Je l’aime, lui dit-il, comme vous avez aimé ma mère.

— Oui, mais ta mère était comtesse de Zips, alliée aux Radziwill et aux Sapieha, de race presque royale. En l’épousant, je n’ai pas descendu les Néhou par une mésalliance, tandis que ta petite Sombreval est la fille à Jean Gourgue, un va-nu-pieds, né dans la crotte et digne de sa naissance ; et tu ne comptes pas, je pense, l’épouser ?

Néel aimait et respectait trop son père pour