Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/255

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gaigne. Les Néhou ne sont pas faits pour les Sombreval.

— De l’orgueil ! reprit-il, j’en peux avoir comme un autre homme. Mais je n’ai pas celui que tu crois, ma vieille mère. Je sais tout aussi bien que toi la distance qu’il y a entre les Néhou, l’honneur et la puissance de la presqu’île depuis des siècles, et des vestes-rousses, des riens-du-tout comme les Sombreval. Pour ma part, je n’ai jamais donné dans cette chimère de l’égalité entre les hommes, que tout dément, foule aux pieds et soufflette dans la société comme dans la nature. L’observation et les faits m’ont appris la hiérarchie, l’impérieuse et inflexible hiérarchie ! Mais l’observation m’a appris aussi la force de la passion dans certaines créatures, et j’ai vu, du premier coup d’œil, ce qu’il en tient dans ce jeune Néel.

Il est d’un sang, par sa mère, où l’impétuosité du désir touche à la folie, et il tient beaucoup de sa mère, comme tous les enfants amoureusement faits. Un jour, vieille Malgaigne, dans le pays de cette Polonaise, mère du jeune de Néhou, on a vu un roi donner son plus beau régiment de dragons pour douze vases en porcelaine[1], et ce n’était pas le plus fou de son royaume. Il aimait les vases ! voilà tout.

  1. Auguste II (de Saxe).