Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tour, vaincue par cet homme si fort et qui confessait la divine faiblesse des mères, cette tendresse infatigable à l’indulgence, à la pitié et au pardon. Les yeux de Néel se remplirent de larmes… Avec cet être étrange, qu’il voyait dans l’intimité et qui s’y purifiait pour lui de son effroyable renommée, Néel était incessamment suspendu entre l’admiration et le mépris. Il avait comme des remords d’admirer le coupable dont la réputation ne mentait pas, mais qui retrouvait dans son amour pour son enfant un rayon de cette moralité qu’il avait depuis si longtemps étouffée au fond de son âme.

Pour le jeune amoureux de Calixte cette tendresse transfigurait Sombreval. Elle infusait de l’âme et presque de la grâce dans ce Titan de perversité et de science, à l’esprit positif, cruel et quelquefois brutal comme la réalité, et finissait par donner comme des mamelles à son génie. En l’entendant s’exprimer ainsi, reconnaissant d’ailleurs de le voir si disposé à lui donner sa fille, pour peu qu’il fût aimé d’elle, Néel fut plus touché que jamais de cet amour de Sombreval, qui couvrait tout, qui eût racheté un parricide !… Aussi, quand le châtelain du Quesnay sortit de la bijude de la Malgaigne, dans la nuit tout à fait noire, Néel, emporté par cette impulsion qui devait plus tard briser sa vie, saisit-il la large main qui