Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/268

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du fond de mon âme, comme ce pied effrayant dans l’Apocalypse, qui s’élève tout à coup du sein de la mer.

J’ai été jaloux du prêtre de Bolsène, à qui l’hostie saigna sur les mains, et je souhaitais toujours que ma foi ébranlée se raffermît dans la terreur d’un tel miracle ; mais la goutte de sang que je demandais, pour y noyer cet athéisme qui envahissait ma raison, n’a jamais rougi la table de l’innocent sacrifice, et c’est alors que, las d’attendre, j’ai renversé ce calice dans lequel il n’y avait plus que des fluides de la terre que je pouvais décomposer sans y trouver Dieu !…

L’homme qui a fait cela, Néel, pensait bien avoir mis cette grande illusion de Dieu hors de sa vie, et elle y revint cependant pour se venger des mépris de ma raison, me frappant comme un être réel, comme une main de chair, dans les entrailles ! La Religion foulée aux pieds a trouvé le moyen de me rendre, coup pour coup, cette blessure…

Ce rocher de Golgotha qui pèse sur le monde, et que je croyais avoir rejeté de ma vie comme un joug brisé, y retombe, — et c’est la main de mon enfant qui le fait rouler sur mon cœur !…

Sombreval s’arrêta encore ; Néel se taisait. Il se taisait par respect pour ce Laocoon