Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/289

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ans, magnifiques d’encolure dans leur robe d’ébène, étoilés au front, les yeux bordés du ruban de feu qui indiquait la flamme intense de leur sang. C’étaient des chevaux, selon Jean Bellet, à faire mettre à genoux tous les maquignons de la Sainte-Croix et de la Saint-Floxelles, mais ils n’avaient jamais senti ni le fouet ni le mors, et Néel parlait de les atteler !

— Sainte Marie-de-la-Délivrande de Rauville, — dit Jean Bellet, — y pensez-vous, monsieur Néel ?

Et le vieux palefrenier stupéfait en oublia de passer la manche de sa veste.

Néel y pensait très bien.

— Je le veux ! fit-il, impérieux comme toujours.

Mais Bellet, tout respectueux qu’il fût pour ses maîtres, trouva la force de lui résister.

— Vous le voulez ! mais moi je ne veux pas votre mort, monsieur Néel. Je ne veux pas être chassé comme un chien galeux de la maison de votre père pour avoir aidé à vous rompre le cou. Vous pouvez jouer de la cravache, si cela vous plaît, sur les vieilles épaules qui vous ont porté tout jeune, mais les chevaux que vous me demandez, non, monsieur Néel, je ne les attellerai pas !

— Eh bien ! je les attellerai, moi ! fit Néel, blanc de colère et avec une résolution à la-