Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/322

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vent avec elle (Sombreval étant toujours à ses fourneaux et d’ailleurs espérant toujours que du tête-à-tête l’amour jaillirait un jour pour sa fille), il lui parlait de sa passion pour elle avec des flammes d’expression qui l’auraient enfin pénétrée, si elle n’avait pas mis entre elle et lui cette croix de la chrétienne qui est le meilleur bouclier.

Dans ces longues conversations au bord du lit de Néel, Calixte revint plus d’une fois à ces bijoux répudiés par Bernardine et que Néel avait été presque heureux de reprendre quand elle les avait rapportés. En les reprenant, il s’était comme repris lui-même à mademoiselle de Lieusaint, car à ses yeux les bijoux portés par sa mère et donnés à Bernardine formaient comme une chaîne qu’il aurait eu peut-être la superstitieuse faiblesse de ne pas briser. Tous les sentiments profonds sont-ils autre chose que des superstitions de nos âmes ? Il y avait plusieurs sentiments dans sa manière d’aimer sa mère. Il l’aimait parce qu’elle était une mère adorable, et il l’aimait encore comme un astre charmant qui s’était couché derrière la première aurore de sa vie, et sur ces pierreries il en retrouvait les rayons !

— Maintenant, disait-il en étalant les richesses de son écrin sur sa courte-pointe de soie verte, — ah ! maintenant ces bijoux, ces