Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/328

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France et d’Autriche étaient encore sur le cachet de la bouteille ? Dans quelle cave d’émigré le vieux Satanas du Quesnay a-t-il volé un pareil trésor ?…

— Cela doit être, compère, fit le vicomte en clignant l’œil, le tokay de notre voisin le duc de Coigny, à qui la pauvre reine en avait donné dans le temps un panier qu’il eût regretté toute sa vie, s’il n’avait été guillotiné par cette benoîte révolution.

Lors de la pillerie du château, le bonhomme Desfontaines, du bourg de S…, qui n’était ni blanc ni bleu, mais un usurier et un fesse-mathieu sur toutes les coutures, acheta pour rien les bouteilles qui restaient, et il les aura sans doute revendues à Jean Sombreval. Tout apostat qu’il est devenu, Sombreval a été prêtre, et, comme ses confrères, grands connaisseurs en bonnes choses, il est peut-être un robuste partisan de la tisane de bois tordu, — quoique après tout nous n’en sachions rien par nous-mêmes, puisque nous buvons son meilleur vin sans qu’il y goûte, et qu’il a l’esprit de décamper de chez lui dès que nous y arrivons.

Tout en parlant ainsi ils avaient, dans leur char-à-bancs envasé, atteint le sommet de la butte Saint-Jean. « Laissez souffler vos chevaux une minute, Bellet ! » cria le vicomte ; et Jean Bellet, qui menait en postillon, se mit à