Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/330

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blant, c’est la vérité ! Oui, c’est la couronne de l’enfer, car c’est la couronne de la science curieuse, de l’espérance insensée, de l’orgueil qui lutte contre Dieu, et cette couronne dévore ceux qui la portent, que ce soient des édifices ou des hommes !

— Eh ! c’est la grande Malgaigne, — dit le vicomte Éphrem, qui reconnut la grande fileuse de la contrée. — Vous rôdez bien tard par ici, la mère, et vous avez encore un fier bout de route devant vous, si vous retournez ce soir coucher à Taillepied.

— Que oui, j’y retourne, monsieur de Néhou, répondit-elle avec respect. Je m’en viens de journée, et je suis dans les chemins comme dans la vie, — une attardée et une esseulée, — pour qui l’heure n’est plus rien, ni la vie ni les chemins non plus ! J’ai ouï dire aux Herpin, dont j’ai rencontré hier la charrette près le Vey du Pont-aux-Moines, que vous iriez au Quesnay aujourd’hui, et l’idée m’a prise de m’arrêter à la butte pour vous demander des nouvelles de la santé de monsieur Néel. Mais je m’étais tout absorbée en moi-même, comme ça m’arrive toujours en regardant les lucarnes du Quesnay, vomissant leurs flammes comme des fours à chaux dans la nuit, car j’ai bercé dans mes bras celui qui les allume et que leur feu doit, tôt ou tard, consumer !