Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/38

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passion avait presque les caractères d’un empoisonnement. On disait qu’on le rencontrait dans Paris ne portant plus ses habits de prêtre. Il a jeté, disait-on, le froc aux orties. On ajoutait des choses affreuses, d’autres immondes… Mais on ne savait pas, mais personne ne pouvait savoir si la science volait seule à Dieu cette tête de prêtre, ou si d’autres passions lui arrachaient aussi le cœur.

Déplorable et criminel abandon, pour lequel il y avait peut-être dans ceux qui le pleuraient une miséricorde toute prête, mais pour laquelle il n’y eut plus rien, quand on apprit un matin, comme une bombe éclate, que l’abbé Sombreval avait consommé son apostasie ; qu’il avait accompli intégralement son sacrilège, plongé sa personne consacrée par le sacerdoce dans le bourbier des bras d’une femme et qu’il ne l’en retirerait jamais, — car il était marié !

Son père mourut de cette nouvelle, comme on meurt tué d’un coup de fusil, tiré à bout portant. En apprenant le crime et la forfaiture de son fils, il n’eut que le temps de le maudire. Un vaisseau se rompit dans sa poitrine et le flot du sang de ce cœur brisé noya les derniers mots de cette malédiction suprême dans un gargouillement plus affreux qu’une imprécation.

C’est ainsi que ce père de douleur, qui avait vécu avec « ses quatorze coups de couteau »